Pourquoi, un an après la mort de Mahsa Amini et malgré l'ampleur des contestations, le régime iranien ne s'est pas encore effondré ?
L’absence de leadership efficace a été la raison la plus citée pour expliquer l’échec du mouvement de protestation, les experts soulignant la nécessité d’une direction à la fois très populaire et hors de portée du gouvernement iranien.
Il ne fait aucun doute que les manifestations ont constitué le défi le plus important et le plus tenace auquel le système de gouvernance iranien ait été confronté. Toutefois, l’absence d’un organe central chargé d’orienter le mouvement, de soutenir l’espoir des manifestants quant à une alternative au système islamique et d’organiser les manifestations décentralisées est devenue de plus en plus problématique au fur et à mesure que les manifestations prenaient de l’ampleur et que la répression gouvernementale s’intensifiait. Un conseil de six membres a été formé à l’étranger pour diriger le mouvement, mais des divergences sont progressivement apparues entre les membres et le groupe s’est disloqué.
La répression violente des manifestants a indéniablement joué un rôle dans l’échec de leur tentative de renversement du système. Néanmoins, d’autres facteurs, moins souvent évoqués, ont également contribué à l’incapacité du mouvement à susciter un changement politique.
Alors que les manifestations ont débuté avec le slogan très progressiste « Femme, vie et liberté », qui exprimait une opposition ferme au port obligatoire du voile, des slogans subversifs et anti-dictature, visant en particulier Khamenei, ont rapidement pris une place prépondérante au sein du mouvement.
Toutefois, tant en Iran que lors des rassemblements massifs et sans précédent de la diaspora iranienne, les droits des femmes ont joué un rôle central dans les manifestations, à tel point que l’opposition et les médias étrangers ont parlé de « révolution des femmes ».
Si la question de la discrimination à l’égard des femmes a trouvé un écho auprès de la jeune génération, elle a paradoxalement entravé la formation d’une révolution contre le système existant, dans la mesure où elle ne traitait pas de la principale préoccupation d’une grande partie de la société, à savoir les luttes économiques de la classe ouvrière. Les questions liées aux moyens de subsistance ont rarement été entendues ou mises en avant.
Par conséquent, si la présence des jeunes a facilité la propagation rapide des manifestations, celles-ci n’ont pas pu infiltrer la société en profondeur et attirer dans la lutte des couches générationnelles et sociales diverses. En substance, l’accent mis sur le slogan « Femme, vie et liberté » n’a pas permis de hisser le mouvement vers une dimension révolutionnaire. Dans les segments patriarcaux de la société iranienne, en particulier dans les classes traditionnelles et socio-économiques inférieures, il était irréaliste de penser qu’un mouvement de femmes allait mobiliser au point de susciter une participation active à la lutte.
Un autre facteur qui a contribué à l’absence de formation d’un mouvement global a été l’hésitation et la réticence du segment religieux libéral de la société à s’engager pleinement dans la lutte. S’il approuvait les objectifs du mouvement, ce milieu a été déconcerté par certaines actions provocatrices menées par des manifestants à l’étranger.
Les exemples de manifestantes qui se déshabillaient pour exprimer leur opposition aux restrictions imposées aux femmes par le gouvernement iranien, ainsi que les vidéos montrant de jeunes garçons et filles se livrer à des démonstrations publiques d’affection, ont choqué et rebuté une part non négligeable de la société iranienne. Le gouvernement a de son côté profité de ces actions pour dénoncer un mouvement « hédoniste » et « moralement corrompu », ce qui a encore affaibli sa crédibilité.
Il ne fait aucun doute qu’une révolution sociale importante s’est déroulée en Iran. Actuellement, certaines femmes et jeunes filles continuent de résister et de lutter contre le port obligatoire du hijab, pierre angulaire de l’idéologie du système islamique.
En parallèle, le fossé découlant de la relation conflictuelle entre le gouvernement et les dissidents s’est tellement creusé que la répression des manifestations ne fait qu’attiser la rancœur des opprimés.
Telle une braise qui couve sous la surface, cette colère latente attend le bon moment pour s’enflammer.
Source : https://www.middleeasteye.net/fr/opinion-fr/iran-anniversaire-mahsa-amini-echec-mouvement-protestation-transformation-politique-femmes?fbclid=IwAR2Ydlzg5CXXu9pqEd5Xul3G3TUfZ3e-61XPYocyIEjIyT1ksc7Jju5kChY
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